Nanosystèmes : dendrimères pour l’administration de médicaments anticancéreux assistée par les vésicules extracellulaires

Yifan Jiang, Zhenbin Lyu, Brigino Ralahy, Juan Liu, Tom Roussel, Ling Ding, Jingjie Tang, Artemis Kosta, Suzanne Giorgio, Richard Tomasini, Xing-Jie Liang, Nelson Dusetti, Juan Iovanna, Ling Peng

PNAS, 2023, Vol. 120, No. 7, e2215308120

https://doi.org/10.1073/pnas.2215308120

2023 PNAS JIANG

Le cancer est l’une des principales causes de décès dans le monde, et reste une maladie difficile à traiter en raison de son hétérogénéité intra- et inter-tumoral et de son évolution dynamique. Les nanosystèmes pouvant surmonter l’hétérogénéité et l’évolution dynamique des tumeurs, tout en délivrant des médicaments anticancéreux dans les tissus tumoraux, sont intensément recherchés pour le traitement du cancer. Cependant, il est très difficile de développer de tels outils. Nous avons développé un nanosystème d’administration de médicaments basé sur des nanomicelles de dendrimères auto-assemblées (ADNMs) pour une pénétration profonde dans la tumeur et une administration efficace de médicaments, via des vésicules extracellulaires (VEs) sécrétées in situ par la tumeur (Figure 1). Les VEs sont un système de transport endogène qui connecte les cellules tumorales entre elles et avec les cellules du microenvironnement tumoral, permettant de surmonter l’hétérogénéité et l’évolution dynamique de la tumeur. Plus précisément, ces nanomicelles de dendrimère, à leur arrivée dans une tumeur, sont reconditionnées par les cellules dans les VEs. Celles-ci sont ensuite transportées et internalisées par d’autres cellules pour être délivrées « en relais », permettant la pénétration dans le tissu tumoral en profondeur, afin de délivrer efficacement le médicament dans toute la tumeur. À l’aide de modèles 2D, 3D et de xénogreffes dérivés de cancers du pancréas et colorectaux, nous avons démontré que les VEs générées localement assurent la livraison intercellulaire (Figure 2), propageant la dissémination de cellule en cellule et dans la totalité de la tumeur, entraînant une excellente activité anticancéreuse tout en limitant les effets indésirables (Figure 3). Ces résultats prometteurs soulignent le remarquable potentiel de ce système d’administration de médicaments pour le traitement du cancer et fournissent une preuve de concept pour le développement de nouvelles modalités thérapeutiques pour l’administration adaptative de médicaments. Cette étude fournit également une nouvelle perspective sur l’exploitation des caractéristiques intrinsèques des tumeurs, en parallèle avec la chimie supramoléculaire des dendrimères, afin de développer des nanosystèmes adaptés pour surmonter l’hétérogénéité des tumeurs et leur nature évolutive, améliorant ainsi la thérapie du cancer.

Il s’agit d’une étude collaborative impliquant le Centre Interdisciplinaire de Nanoscience de Marseille (CINaM), le Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille (CRCM), le National Center for Nanoscience and Technology (NCNST) de Chine.

Figure 1 : Les nanomicelles de dendrimères amphiphiles (ADNMs) encapsulent le médicament anticancéreux et induisent une délivrance de médicament assistée par la tumeur via le transport intercellulaire médié par les vésicules extracellulaires (VEs). Le dendrimère amphiphile (AD) encapsule le médicament anticancéreux et forme des nanomicelles (ADNMs) qui atteignent la lésion tumorale via l’effet de perméabilité et de rétention améliorées (EPR). Elles y induisent une administration in situ de médicaments assistée par la tumeur pour une pénétration profonde de la tumeur via le transport intercellulaire médié par les VEs. Ce processus d’administration par les VE implique : (1) l’internalisation des ADNM dans les cellules cancéreuses ; (2) le reconditionnement du ADNM dans les VE ; (3) le transport intercellulaire des VEs générés ; (4) l’internalisation des VEs générés par la cellule réceptrice.

 

Figure 2 :  L’ADNM induit la recondition du cargo dans les VEs, qui assurent la livraison intercellulaire de cellule en cellule. Les VEs, générés par les cellules après traitement avec les ADNMs (R/AD, Cy3/R/AD et Dil/R/AD), ont été caractérisés par TEM (a), microscopie électronique cryogénique (Cryo-EM) (b), microscopie fluorescente (c) et biomarquers par western blotting (d). e. Les images confocales de tissus tumoraux cryo-sectionnés provenant de xénogreffes de souris HCT-8GFP traitées par ADNM (DiI/R/AD) montrent le processus de délivrance médiée par EV dans la tumeur. La fluorescence du DiI est apparue dans les EVs dérivés de la tumeur HCT-8GFP (flèches). La forme de donut creux du signal DiI rouge avec un remplissage GFP vert met en évidence les VEs dérivées de la tumeur HCT-8GFP avec la bicouche phospholipidique marquée au DiI et le contenu dérivé de la tumeur HCT-8GFP à l’intérieur. Encadré 1, un EV chargé en DiI (flèche) situé dans l’espace intercellulaire ; Encadrés 2 à 4, les EV chargés en DiI assurent le transport intercellulaire dans la tumeur. Encadré 2, EV chargés de DiI adhérant à la surface cellulaire ; Encadré 3, un EV chargé de DiI pénétrant dans une cellule ; Encadré 4, un EV chargé de DiI à l’intérieur d’une cellule. Les tissus tumoraux ont été prélevés 24 heures après l’injection intraveineuse de DiI/R/AD dans des xénogreffes HCT-8GFP. AD : dendrimère amphiphile ; C : Cy3 ; Dil : colorant fluorescent ; R : rapamycine.

 

Figure 3 :  Les ADNM ont été efficaces pour inhiber la croissance tumorale, réduire la toxicité des médicaments et prévenir les métastases tumorales grâce à l’accumulation spécifique et à la pénétration profonde dans la tumeur à travers du transport intercellulaire médié par les vésicules extracellulaires (VEs). a, Courbes de croissance tumorale des xénogreffes de cancer du pancréas PDAC087T et PDAC074T dérivées de patients, et des xénogreffes de cancer colorectal HCT-8 chez les souris après traitement avec des ADNM portant de la doxorubicine (DOX) ou de la rapamycine R, respectivement. Les souris traitées avec le tampon PBS, le médicament seul ou le dendrimère seul ont été utilisées comme témoins. b, L’accumulation de R/AD dans les tumeurs des souris PDAC074T et HCT-8 xénogreffées a été analysée en utilisant l’imagerie fluorescente avec l’ADNM portant à la fois la rapamycine et le colorant fluorescent DiR de proche infrarouge (DiR/R/AD). Les images de fluorescence in vivo ont été acquises 48 heures après l’administration intraveineuse de DiR/R/AD dans les xénogreffes PDAC074T (panneau supérieur) et HCT-8 (panneau inférieur). Les souris traitées avec du PBS, du DiR libre et un simple mélange de DiR, de rapamycine et d’AD (DiR+R+AD) ont servi de témoins. Les flèches indiquent l’emplacement des tumeurs. c, Les images confocales des tissus tumoraux montrent une pénétration intratumorale profonde du R/AD, en utilisant l’ADNM chargé à la fois de rapamycine et du colorant fluorescent DiI (DiI/R/AD). Les souris traitées avec du PBS, du DiI seul, ou un simple mélange de DiI, rapamycine et AD (DiI+R+AD), ont été utilisées comme témoins. Les tumeurs ont été prélevées sur les xénogreffes PDAC074T (à gauche) et HCT-8 (à droite) 24 heures après l’administration intraveineuse, puis cryosectionnées et imagées par traçage de la fluorescence du DiI (rouge). Les vaisseaux sanguins ont été marqués avec la lectine Lycopersicon esculentum marquée au DyLight488 (vert), et les noyaux avec le DAPI (bleu). d, coloration HE du tissu cardiaque provenant de xénogreffes PDAC087T traitées par PBS, AD, DOX et DOX/AD (n = 6). Le traitement avec DOX/AD a empêché l’hyperémie induite par DOX et la rupture des fibres myocardiques (flèches) dans le cœur. e, coloration HPS de tissus pulmonaires issus de xénogreffes HCT-8 traitées avec PBS, AD, R et R/AD (n = 6). Le traitement avec R/AD a empêché les métastases pulmonaires induites par la rapamycine (T représente la tumeur). Des métastases pulmonaires ont été observées chez les souris traitées avec R, mais pas chez celles traitées avec le R/AD, PBS ou le dendrimère seul (AD). Le tissu pulmonaire a été prélevé chez les souris à la fin du traitement.